Interview de Bruno Bessis - conseiller Ville Durable et International au Ministère de la Cohésion des Territoires - Grand Témoin du cursus 2021-2022

Depuis 2010, nous proposons chaque année à une personnalité issue de l’enseignement supérieur ou du monde professionnel d’être le Grand Témoin du Cursus. Invité à chaque module, il participe aux échanges et aide par ses retours et son partage d’expérience, à enrichir la synthèse du cycle de formation.

Aptitudes Urbaines (APU) : Bruno Bessis, vous êtes conseiller Ville Durable et International au ministère de la Cohésion des Territoires. Vous avez aussi été en charge du pilotage de la démarche nationale Ecoquartier. Quelles étaient alors vos missions, et quels sont vos chantiers actuels ?

Bruno Bessis (BB) : Pendant 10 ans, j’ai effectivement eu pour mission le pilotage de la démarche nationale Ecoquartier, issue de la Loi Grenelle 2, qui a pour objectif de favoriser de nouvelles façons de concevoir, construire et gérer la ville durablement. Tout était à créer, et c’était l’objet de mon poste : le processus de co-construction avec les partenaires et l’animation des groupes de travail, la mise en place d’un référentiel, la construction d’un processus de labellisation et le déploiement de la démarche sur le territoire français métropolitain et outre-mer.

Aujourd’hui, je suis conseiller Ville Durable et International. J’ai un rôle transversal au sein des différentes actions menées par le gouvernement. Par exemple dans le cadre du Programme d’Investissements d’Avenir (PIA), j’ai pour mission l’animation des projets lauréats. L’idée est de faire émerger des démonstrateurs de la ville durable, en lien avec la démarche Ecoquartier. Pour l’international, il s’agit de valoriser les méthodes, connaissances et réflexions que l’on mène depuis 10 ans sur la ville durable et les exporter hors de l’hexagone. 

APU : Quels enseignements tirez-vous de votre expérience de terrain sur l’intérêt – mais aussi les difficultés – de mise en œuvre d’une approche projet progressive et partenariale comme la démarche de programmation urbaine ?

BB : J’en tire deux enseignements majeurs. Le premier, c’est que la réussite d’une opération d’aménagement, c’est-à-dire une opération qui va porter les enjeux de la ville durable, repose avant tout sur une démarche de projet intégrée. Sans la programmation urbaine, sans cette vision depuis l’amont jusqu’à l’aval avec cette idée de construction partagée du projet, le projet n’aboutit pas, ou alors les ambitions sont revues à la baisse en cours de route ! C’est systématique : les projets d’écoquartiers exemplaires sont tous issus d’une démarche de projet intégrée.

L’autre enseignement, c’est que la culture de la programmation urbaine est encore trop peu partagée par les Collectivités et les professionnels de l’aménagement : je pense même qu’un certain nombre de professionnels aujourd’hui n’en voit pas la nécessité, ou pense à tort que cette démarche retarde le projet en faisant faire des détours à la maîtrise d’ouvrage.

Trop souvent encore dans nos vies professionnelles, nous rencontrons des Collectivités qui se voient présenter des projets d’aménagement déjà entièrement dessinés, ficelés… C’est culturel, les opérations d’aménagement ont longtemps été centrées sur le dessin et la conception et nous avons encore du mal à sortir de ces contingences-là pour prendre le temps de s’interroger en amont sur les véritables objectifs de l’opération. Pourtant le diagnostic du contexte, la prise en compte des besoins, l’analyse objective des réalités du marché … sont des étapes de réflexion et de discussion indispensables pour la réussite d’un projet urbain.

Heureusement, les choses changent : une grande partie des Collectivités qui rentrent dans la démarche Ecoquartier, par exemple, fait aujourd’hui de la programmation urbaine sans le savoir. Elles s’interrogent en amont, posent un diagnostic, et vont essayer de co-construire le projet avec les acteurs locaux et les habitants…

APU : Vous avez accepté d’être le Grand Témoin de notre cursus de formation continue à la démarche de programmation urbaine, et nous vous en remercions ! Quelles sont vos motivations, et quelles sont vos premières impressions après les premiers modules ?

BB : D’abord, j’ai un intérêt particulier pour l’enseignement et à la transmission des savoirs. Les enjeux sont importants : on parle de transition écologique, du devenir des territoires, de l’avenir que l’on veut pour nos citoyens et cela passe par la réussite de nos opérations d’aménagement. Tous les programmes lancés par le Gouvernement devraient avant tout se centrer sur la question de la programmation urbaine. Et pour cela, il faut qu’on forme, qu’on renforce nos convictions, qu’on fasse passer le message !

Cette année de formation confrontera également mon expérience professionnelle et mes acquis, et me permettra d’être ainsi encore plus précis dans les messages que je veux faire passer, dans mes interventions, et de pousser encore plus le sujet dans les actions menées pour le ministère.

Concernant mes premières impressions, j’ai vu autour de la table des participants venus d’horizons différents, motivés et impliqués, certains jeunes dans le métier et d’autres avec plus d’expériences qui viennent tous chercher de la méthode et des outils, et qui se posent des questions assez fondamentales sur le sens de nos pratiques en urbanisme et en aménagement. Je suis sûr qu’à la fin de l’année, ils auront toutes les clés en main pour contribuer à l’amélioration et la réussite des projets urbains !